« Omar, employé de MSF, souhaite que Christopher l’accompagne pendant les journées des 15 et 16 décembre dans les bureaux de l’Intelligence militaire. Ces bureaux ne sont ouverts ni au grand public, ni au petit peuple. C’est un endroit où, quand l’entrée est accordée, elle ne va pas forcément de pair avec une sortie garantie. Ce lieu est fermé pour le préserver du chaos et du brouhaha révolutionnaire. Bien que MSF ait de bonnes relations au plus haut sommet de l’État et avec ses administrations, avant de pouvoir accéder au bureau de l’Intelligence militaire, il faut obtenir d’innombrables papiers et sauf-conduits qui sont scrutés, inspectés, contrôlés et recontrôlés. Omar y est connu. Il présente Christopher comme étant son chef. Omar sait que Christopher n’est pas son chef, il n’est que le lien et la colle entre les différents membres de l’équipe de MSF, membres soudés par la volonté de faire leur possible pour le peuple soudanais. Les officiers de l’Intelligence militaire n’ont pas besoin d’être convaincus qu’Omar et Christopher ne sont ni espions, ni dans le service de tel ou tel pays étranger. Ils accordent les papiers indispensables grâce auxquels Christopher pourra pénétrer dans le saint des saints. MSF est, comme les officiers aiment à se le rappeler, « sans frontières ». Prétendre que les humanitaires français sont révolutionnaires, ou contre-révolutionnaires, est de leur point de vue simplement ridicule. Aussi savent-ils beaucoup plus de choses sur MSF qu’Omar et Christopher ne savent sur eux-mêmes. Les archives de l’Intelligence militaire sont anciennes et très complètes. Les réunions ont toujours été amicales, même cordiales. Ils se seraient excusés pour ces tracasseries, si l’uniforme leur avait permis cette attitude si peu militaire. Toutefois, il faut bien faire les choses en bonne et due forme pour que personne, personne, pas même d’autres pouvoirs ou d’autres structures, puissent mettre en doute l’autorisation qui va être émise. L’idée que la suspension des vols pour Lifeline puisse aussi être imposée à MSF par les frères d’armes du capitaine Ibrahim ne sera jamais soulevée, pas même en pensée. L’idée aurait été saugrenue et MSF n’a jamais fait de demande sous la couverture de Lifeline. Les humanitaires français sont connus de tous comme « Atybbah bidun Houdoud » « médecins sans frontières », amis du peuple soudanais, ayant toujours respecté la souveraineté du Soudan, précisément parce que, pour la plupart, ils font partie du pays, à la différence de l’ONU ou des arrogants du CICR, pour ne pas mentionner certaines organisations norvégiennes qui ont tant de fois bafoué les règles de courtoisie élémentaires d’un invité bien élevé. »