Le samedi premier avril 2023, la Russie prenait, pour une durée d’un mois, la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU.
A cette occasion, le président ukrainien Volodymyr Zelensky dénonçait la « faillite » du système des Nations unies. Il déclarait qu’il « est difficile d’imaginer quelque chose qui prouve davantage la faillite complète de telles institutions ». « Il n’y a aucune forme de terreur que la Russie n’ait déjà exercée », disait-il. Aussi, appelait-il à une « réforme des institutions mondiales, y compris du Conseil de sécurité de l’ONU ».
On ne peut qu’approuver. On doit cependant observer qu’il y a eu peu de commentaires, notamment en France, si ce n’est Pascal Boniface qui, sur Europe 1, notait l’aspect symbolique de l’affaire. « Rien de plus normal », disait le géopolitologue, « cette présidence tournante est dans les règles, et si quelqu’un avait voulu la changer, la Chine et la Russie auraient opposé leur véto. » Le directeur de l’IRIS soulignait la limite de l’ONU : « Les membres permanents ont un droit de veto et on ne peut pas changer le règlement sans leur accord ».
C’est bien là le problème. Pour prendre toute décision, le Conseil de sécurité de L’ONU requiert l’unanimité de ses cinq membres permanents, Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine. Ce droit de veto donne ainsi l’assurance aux membres permanents du Conseil de sécurité qu’aucune résolution de l’ONU ne sera prise à leur encontre. La Russie sait son privilège, en use, en abuse, et pervertit le système au vu et au su de tous. Son droit de veto lui donne la carte blanche de l’ONU. C’est bien ce que dénonce Zelensky.
La refonte des principes de fonctionnement de l’ONU est nécessaire. Mais elle ne peut se faire sans un mouvement mondial, une prise de conscience générale, une réflexion collective. La France, non seulement ne peut se soustraire à cette réflexion, mais elle doit la conduire. Elle a pour cela des atouts et des raisons.
Le président français Emmanuel Macron s’est exprimé le 9 mai 2022 sur les blocages provoqué par la règle de l’unanimité dans les institutions internationales. Il proposait dans son « serment de Strasbourg », la convocation « d’une convention de révision des traités » régissant l’Europe. La règle présidant au fonctionnement du Conseil de sécurité de l’ONU ne saurait échapper à cette révision.
Le président Macron a été appuyé au sujet de l’Europe par la présidente de la Commission européenne Ursula van der Leyen qui déclarait devant les eurodéputés « J’ai toujours soutenu que le vote à l’unanimité dans certains domaines clés n’a tout simplement plus de sens ». La présidente ne saurait écarter une révision du fonctionnement de l’ONU et ne manquera pas d’apporter son soutien à cette réflexion.
Cette réforme des institutions mondiales appelée par Zelensky est nécessaire. Son absence placerait la communauté internationale face à de lourdes responsabilités et l’exposerait aux sanctions de l’histoire. Emmanuel Macron a rappelé, le 4 mars 2023, à Kinshasa, le poids des sanctions de l’histoire éprouvé par la France. Il évoquait la région des grands lacs où « une partie de notre histoire s’est jouée », disait-il, et où cette histoire, encore controversée, ne s’est pas encore entièrement révélée. De nombreuses questions y restent en suspens. Il concédait, à Kinshasa, que « la France a assumé d’ouvrir tous ces livres et de la faire écrire par des historiens de manière totalement indépendante. » Mais l’histoire peine encore à parvenir à une compréhension globale des guerres africaine de la France de ces années. L’examen serein de tous les documents est encore douloureux. Emmanuel Macron disait, à Kinshasa, être « prêt à ouvrir tous les dossiers de l’histoire » et « totalement favorable à ce qu’il y ait une commission d’historiens qui puisse assigner les responsabilités aux uns et aux autres ». Ces bonnes intentions sont louables mais le processus sera encore long. Le président s’y déclare favorable. Dont acte.
Cet examen des guerres africaines de la France est indissociable de la réflexion a conduire sur le fonctionnement de l’ONU.
La France a été le premier pays a avoir perverti ce système de l’unanimité des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies dans ces années 1980-1990. Cette perversion lui a permis de mener ses guerres africaines. C’est la raison pour laquelle elle doit prendre part à la réflexion collective sur la réforme des règles présidant au fonctionnement du Conseil de sécurité de l’ONU appelée par Zelensky.