Il faut saluer la conférence de presse de Kinshasa du 4 mars 2023 où il y a eu beaucoup d’annonces très intéressantes, de prises de position, de rappels historiques, autant dans l’allocution du président Macron que celle du président Tshisekedi, ainsi que dans les questions posées par les journalistes.

Cette visite en RDC s’est faite à un moment particulier, à un moment où il y a un processus de paix enclenché concernant la situation sécuritaire à l’Est et le M23, avec un calendrier. « Et j’en mesure toute la gravité » disait Emmanuel Macron. Le président français a rappelé, en s’adressant aux Congolais, que cette situation faisait vivre à la RDC « le nouvel acte d’une tragédie qui depuis près de 30 ans ne s’est jamais vraiment éteinte ». Aussi, disait-il que « La France ne s’est jamais résignée a une soi-disant fatalité de l’histoire ».

Il y a donc eu de belles phrases. Emmanuel Macron déclarait « Parce que la guerre qui revient, c’est ajouter des morts aux morts et des drames aux drames. Et en disant cela aujourd’hui, je veux également pleinement mesurer le poids de l’histoire, les drames qui se sont joués dans votre pays, les crises et guerres précédentes, qui nécessitent, … qui nécessiteront que la justice pour le temps présent et la justice pour les crimes passés puisse passer. »

Oui, bien sûr, la justice pour les crimes passés doit passer. Et pour cela le président français rappelait la nécessité de prendre de la hauteur, de mettre en commun efforts et compétences. « Face à une histoire dont le nombre de victimes équivaut à celui des guerres mondiales que nous avons vécues, la France ne prétend pas et je ne prétends pas avoir seul une solution. La solution est dans un réveil collectif. Dans la prise de conscience qui se joue ici qui est l’affaire de tous et de toute la région. Et aux crimes et aux tragédies qui se déroulent sous nos yeux nous ne devons pas ajouter l’oubli et l’abandon. »

En effet, n’oublions rien ni personne, nous prendrions le risque de passer à côté de beaucoup de choses. Le président français s’est donc dit bien décidé à agir. « Et la solidarité ne saurait être à géométrie variable. »

On a donc parlé d’actions humanitaires. « Nous avons au cours des derniers jours écouté les acteurs humanitaires congolais et internationaux engagés sur le terrain ». On a parlé de d’argent. « 34 millions d’euros d’aide humanitaire ». On a parlé de pont aérien sur Goma, on a félicité le commissaire européen Lenarcic pour ses initiatives en faveur des personnes déplacées. On a ensuite parlé du processus de paix et le président français a souligné tout le soutien de l’Elysée au processus de Luanda et de Nairobi pour imposer la paix. Il a rappelé les étapes et le calendrier. « Cessez-le-feu sur le terrain, mécanisme de vérification sous supervision angolaise, cantonnement du M23 sur votre sol processus de désengagement, désarmement et réinsertion, déploiement de forces régionales. » Il était optimiste et rappelait que ce programme était exigent. « Avec une exigence légitime, c’est que tous ceux qui s’y engagent respecte la parole donnée, les rendez-vous, les dates et l’effectivité des choix pris et des promesses tenues. » Et ces engagements de chacun les exposaient aux sanctions de l’histoire.

Ce discours n’a pas manqué de rappeler des souvenirs à plus d’un. Il rappelle le discours de Mitterrand à la CSCE le 30 mai 1989. Il disait « le devoir de non-ingérence s’arrête à l’endroit précis où nait le risque de non-assistance ». Emmanuel Macron disait lui-même à Kinshasa « Et dans une région ou la France a su regarder en face son propre passé, nous savons combien ce poids de la sanction de l’histoire peut être accablant. »

 

Le journaliste Michel Kifinda rappelait combien était présent dans la mémoire congolaise le rôle qu’a joué la France dans le génocide rwandais et dans l’entrée des FDLR en RDC. Il interrogeait le président Macron sur les réparations du préjudice causé à la population congolaise.

Toutes ces questions soulevées et ses souvenirs ô combien présents ont été l’occasion pour le président français de souligner les avancées de la France dont il faut lui renaître la paternité, je pense là au rapport Duclert, et de présenter des axes de travail. « Je suis prêt à ouvrir tous les dossiers de l’histoire. Je l’ai fait avec le Rwanda » disait-il. « Vous avez rappelé une page sombre de l’histoire de la région, la France a assumé d’ouvrir tous ces livres et de la faire écrire par des historiens de manière totalement indépendante. »

Je pense qu’il est nécessaire en effet d’avoir une vue globale des guerres africaines de la France de ces années 1980-1990 pour comprendre cette histoire. Qu’on a besoin de compétences. Mais on a besoin aussi des documents. Je suis moi-même prêt à travailler avec tout historien, tout acteurs de cette histoire. Cette histoire qui n’en finit pas d’apporter de nouveaux documents. Et je peux faire miens les propos de monsieur Macron. Là je le rejoins. « Je suis pour la vérité, mais toute la vérité » disait-il. Et je peux moi-même dire aussi : « Je ne suis pas pour prendre tous les fardeaux, j’essaie de prendre les miens et c’est déjà bien. » Et de la même façon : « Oui pour une commission d’historiens ». Et de même : « Comment voulez-vous qu’il y ait une paix durable et de la confiance dans un pays quand la justice n’est pas passée ? » Et tout aussi bien : « Oui pour faire la vérité sur l’histoire, non pour prendre tous les fardeaux et si on est clairs, soyons clair jusqu’au bout et assignons toutes les responsabilités. »

Oui. Faire la vérité sur l’histoire. Il en relève que d’une volonté. Je rappellerais simplement ces mots du président français le 30 mai 1989 : « Que valent les déclarations aussi solennelles et aussi sincères soient-elles, sans applications concrètes ? C’est bien le sujet. Demandons des comptes à la rhétorique. Il serait bon qu’elle les rendit. »