La maison de mes parents se trouve dans un petit lotissement bordant le parc du château de Chârost. Surplombant la vallée de l’Arnon, entre le bois du domaine privé et les champs de la plaine céréalière, le petit lotissement égrène ses maisons le long de la route menant à Saugy. Mes parents l’avaient fait construire en 1963, l’année de ma naissance. Ils avaient d’abord habité au moulin puis au couvent, et attendaient leur sixième et dernier enfant. Ayant choisi de rester dans le Cher, il leur avait alors fallu un plus grand logement. Le programme de douze maisons neuves, inaugurant le nouveau quartier résidentiel au lieu-dit Les Cloires, avait été l’occasion d’accéder à la propriété d’une habitation plus spacieuse avec un jardin.
Cette maison est celle où j’ai grandi. J’y ai vu mon père en aménager les abords. Je me souviens de l’édification du petit mur de clôture, devant la maison, de la pose du portail et du portillon en fer forgé. Mon père se faisait maçon le week-end, coulant la dalle de la terrasse devant l’entrée. Il l’avait voulue large et dégagée, offrant un espace confortable aux visiteurs. Je me souviens quand il a construit l’escalier en pierres de taille y accédant. Je nous revois, disposant en marches régulières les pierres carrées. J’étais avec lui aussi, lorsque, de ces mêmes pierres, il avait aménagé l’allée menant au jardin. Tout ce travail avait été réalisé pour le confort et l’agrément de sa famille.
Et puis le garage. Je me souviens du mur qui s’élevait, week-end après week-end. Il avait été prévu suffisamment grand pour y installer dans son prolongement l’atelier de mon père. À droite de la grande porte vitrée donnant sur l’arrière de la maison et le jardin, le lourd établi de bois massif était surmonté de deux panneaux muraux sur lesquels venait se ranger une armée d’outils. Affectés à l’entretien et à la réparation des voitures, l’arsenal consacré à la mécanique automobile veillait aussi à la bonne marche de toute la maison. À gauche, les outils de jardin étaient destinés au potager, aux fleurs, aux arbres fruitiers. Je me souviens des pommes, des prunes, des poires, des pêches, qui émerveillaient mon enfance de leurs saveurs sucrées. Mon père m’apprenait le goût des choses simples, la générosité de la terre, le parfum des saisons.
L’intérieur de la maison était le domaine de ma mère et des enfants. Tout au long de mon enfance, par son éducation rigoureuse fondée sur l’autorité, subtil équilibre de patience et de fermeté, elle avait su nous transmettre ses valeurs, le goût de la persévérance et du travail soigné. Nos parents, en nous transmettant leurs valeurs d’authenticité, d’écoute, de générosité et d’humilité, nous encourageaient à l’ouverture sur le monde et nous apprenaient à construire notre personnalité.
Ma mère avait obtenu son brevet de secouriste le 28 juillet 1967, repris le travail en 1976, comme agent de service hospitalier à l’hôpital d’Issoudun, puis à la maison de retraite de Saint-Florent-sur-Cher en 1978. Conciliant travail salarié et éducation des enfants, ma mère était déterminée à nous rendre indépendants, les études devaient pour chacun d’entre nous, assurer un avenir d’épanouissement et de sécurité. Cette ambition parentale avait été atteinte.
En 1989, nous avions tous pu quitter la maison après nos études, entrer dans la vie active, nous assumer, et nos parents allaient bientôt prendre leur retraite.