Après mes premiers contacts avec la Quai d’Orsay, mes interlocuteurs m’informent que Marcel Laugel est à Paris au début du mois de février. J’ai une conversation avec lui le 5. Elle est retranscrite dans mon livre Malim Une histoire française pages 556 – 557. Je la reproduis ici.

 » J’ai une conversation, au téléphone, avec M. Laugel le 5 février. Je prends
mes dispositions pour prendre des notes. M. Laugel me dit ce que je sais déjà par les dépêches AFP. Il y a un communiqué du gouvernement soudanais une heure après l’attentat accusant le SPLA, et la réponse des rebelles le lendemain, niant leur implication. L’ambassadeur a du mal à contenir sa révolte et me dit ne pas être au courant de tout. Le tir vient du périmètre de sécurité d’Aweil, de l’intérieur de la ville. Il faut une enquête. Il y a l’OACI. Il travaille pour ça. Il me dit qu’il verra le secrétaire général du Quai d’Orsay vendredi après-midi, le 9 février.
— On a dit beaucoup de choses, toutes les hypothèses sont valables. Chacun
fait son hypothèse. En tous cas, il y a une chose très nette…Moi, en tant qu’ambassadeur, je ne peux pas raconter de ragots.
On ne peut que s’interroger sur cette accusation une heure après l’attentat.
Le camp des rebelles est à 5 km d’Aweil. C’est un point qui n’est pas en faveur de la thèse d’un tir du SPLA. Il m’assure travailler pour appuyer l’enquête de l’OACI.
— A mon sens, il faut que la France appuie de toutes ses forces et moi je
travaille pour ça. Il faut qu’on fasse quelque chose. Il faut aller voir les Soudanais et leur dire: «Vous n’avez pas fait d’enquête mais nous on va la faire». Là, je crois que ça va bouger. Il faut des preuves tangibles, parce qu’on n’a pas de preuves, on n’a que des témoins, mais ce n’est pas suffisant. Le fait que le missile ait un point d’impact entre l’aile et la carlingue, ça prouve une précision du tir et l’OACI est neutre. Mais il n’y a qu’eux qui peuvent dire ce qui s’est passé.
Il faut le soutien de l’aéronautique, me dit-il.
— Et là j’insiste encore, c’est avec une enquête qu’on saura ce qui s’est passé.
Ceci en fonction de la localisation des restes. On connaît ça, la violence du choc, et on déduit la charge de l’explosif et la poudre.
L’ambassadeur me donne l’exemple de l’avion d’UTA de N’Djamena,
— Ils sont arrivés à des conclusions, et là c’était beaucoup plus difficile,
les restes étaient éparpillés sur plusieurs kilomètres carrés. Avec une enquête comme ça, la marge d’erreur est très réduite.
À la fin de la conversation, il m’affirme qu’il me tiendra au courant.
Je l’assure de même de mon côté. »