« Après avoir, dès mai 81, arrêté immédiatement tout soutien à Hissène Habré[1] puis levé l’embargo sur les ventes d’armes à la Libye en juillet, Mitterrand reçoit Goukouni Oueddeï à Paris fin septembre et déclare appuyer le projet de l’OUA d’intervention au Tchad d’une force de paix formée de contingents africains. Le président Bongo met en doute publiquement la possibilité d’un règlement dans le cadre de l’OUA. Le déploiement de la FIA, qui doit remplacer le corps expéditionnaire libyen, tarde à se mettre en place. Le projet se heurte à de sérieux obstacles quant à la participation des États africains pressentis par Paris.

La menace habréiste se renforce à l’est du Tchad. Goukouni Oueddeï demande à Paris un appui non seulement militaire et financier mais aussi politique. La France fait des déclarations. À son retour au Tchad, le président tchadien durcit sa position et demande le retrait des Libyens sur l’ensemble du territoire, y compris la bande d’Aozou[2]. Le 29 octobre 1981, le Conseil des ministres tchadien demande le retrait des troupes libyennes du Tchad. En 15 jours, les Libyens quittent N’Djamena et le Tchad tout en se maintenant dans la bande d’Aozou. Le retrait des troupes libyennes à N’Djamena est annoncé à Paris, lors du sommet franco-africain qui se tient les 3 et 4 novembre. Alors que les participants s’accordent sur l’ambiance de satisfaction générale, les commentaires et spéculations continuent sur les causes profondes du revirement du colonel Kadhafi et sa décision de mettre fin à son intervention dans la capitale tchadienne. Les participants s’interrogent. Y a-t-il une contrepartie ? Un accord aurait-il été conclu avec le guide libyen en échange de son retrait de N’Djamena ? Et pourquoi se maintient-il à Aozou ? Quel sont les termes de ce pacte ? On évoque des hypothèses. Un levier a dû être employé. Boutros Boutros-Ghali, ministre d’État égyptien aux Affaires étrangères, suppose des pressions conjointes américaines et françaises, ou des pays de l’Est, sur la Libye. La presse française préfère retenir la thèse selon laquelle le président libyen ne souhaite pas compromettre la tenue du prochain sommet de l’OUA à Tripoli. »


[1] Florent Sené. Raids dans le Sahara central.  p 171. Voir aussi Allam-Mi. Autour du Tchad en guerre. L’Harmattan. 2014. p 71.

[2] AFP 9 novembre 1981. Rapporté par Buijtenhuijs. Le Frolinat. p 197. Note 6.