Le « cadeau à l’Afrique » de Kadhafi est annoncé officiellement lors du 24e sommet de l’OUA à Addis Abeba, qui s’ouvre le 25 mai 1988. Le guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne et socialiste ménage son effet. La veille du sommet, le comité ad hoc doit se réunir dans la capitale éthiopienne pour faire le point de ses travaux sur la bande d’Aozou. Le chef de l’État gabonais, Omar Bongo, doit faire son rapport en présence du président Hissène Habré et du colonel Kadhafi. Le chef de la diplomatie libyenne, Jadallah Azouz, qui préside la conférence ministérielle chargée de préparer le sommet, fait savoir que le colonel Kadhafi sera absent. Le guide libyen invoque le non-respect par Hissène Habré des conventions de Genève au sujet des prisonniers de guerre. Il ne veut pas parler à un adversaire qui se moque des conventions internationales et dénonce des « pressions matérielles et morales » exercées sur les quelque deux mille prisonniers de guerre libyens par « le Tchad et d’autres puissances étrangères ». Les dix-sept officiers libyens capturés à Ouadi Doum, dont le colonel Haftar, ont annoncé à N’Djamena quelques semaines plus tôt leur ralliement au Front national pour le salut de la Libye, mouvement d’opposition à Kadhafi fondé au début des années 80 par des personnalités en exil. Le lendemain 25 mai, alors que s’ouvre à Addis Abeba le sommet célébrant le 25e anniversaire de l’OUA, Kadhafi prononce une allocution depuis Tripoli devant le corps diplomatique, annonçant publiquement son « cadeau à l’Afrique ». Il propose un arrêt définitif de la guerre et déclare reconnaître le « régime de N’Djamena ». Il promet la libération de tous les prisonniers de guerre détenus en Libye et propose la mise en œuvre d’un plan Marshal pour reconstruire le Tchad. Il invite le président Hissène Habré à se rendre en Libye et à y rencontrer Goukouni Oueddeï. Il œuvre, dit-il, pour une réconciliation des « deux factions tchadiennes » et exprime sa volonté de renouer des relations avec plusieurs pays africains, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Libéria, le Zaïre.

La déclaration de Tripoli fait son effet à Addis Abeba. L’OUA se félicite du « cadeau à l’Afrique » de Kadhafi et adresse un message de félicitations à Tripoli. Le chef de l’État tchadien relève cependant publiquement les ambiguïtés de la déclaration du guide libyen, qui a notamment « omis » de mentionner « l’affaire d’Aozou ». Hissène Habré rejette vigoureusement l’idée d’une rencontre à Tripoli avec Goukouni, mais donne finalement son accord « sans condition » pour une rencontre bilatérale avec son homologue libyen. Face à l’OUA unanimement favorable au cadeau de Kadhafi, il ne peut que s’incliner.